Apport-cession : Une bonne solution pour réorienter votre activité professionnelle et réduire ses impôts ?

Contexte : Vous détenez et contrôlez directement une société et souhaitez la céder pour vous en racheter une autre ? Dans un tel contexte, la meilleure solution pour optimiser fiscalement l’opération est de réaliser un apport-cession. Bien que la loi de finances 2013 ait rendu ce régime moins attractif qu’auparavant, celui-ci reste intéressant, bref de réduire ses impôts,  dans le cadre d’une réorientation de votre activité professionnelle, à condition de bien le préparer.

Si en tant que personne physique, vous cédez les titres d’une société, la plus-value de cession sera soumise à un taux d’imposition, dans le régime de droit commun, compris entre 64.50% (détention des titres depuis moins de 2 ans) et 32.65% (détention des titres depuis plus de 8 ans), dans certains régimes (PME de moins de 10 ans notamment) de 64.50% (détention des titres depuis moins de 2 ans) et  22.85% (détention des titres de plus de 8 ans).

Pour réduire ses impôts, voire mieux éviter cette imposition qui limite votre capacité de réinvestissement, vous pouvez créer une holding, (que vous contrôlez) à laquelle vous apportez les titres. La plus-value que vous avez dégagée lors de l’apport bénéficie en principe d’un report d’imposition jusqu’à la cession des titres apportés à la holding. En principe seulement car depuis la suppression du report d’imposition,  l’Administration peut y mettre fin par anticipation si votre holding cède les titres de la société apportée à cette dernière et qu’elle n’en réinvestisse pas une part significative du produit de la cession dans une activité économique. Autre avantage, vous pouvez percevoir en contrepartie des titres apportés une soulte (c’est-à-dire du cash) jusqu’à 10% de la valeur des titres reçus en rémunération des apports. Dans ce cas, la plus-value sur cette soulte bénéficie du mécanisme de report d’imposition susmentionné.

Quant à la plus-value réalisée par la holding sur les titres apportés, elle sera soumise à un taux d’imposition effectif de 4% si la cession intervient au moins 2 ans après l’apport.

Ne sont pas considérées comme activités économiques notamment l’immobilier à usage d’habitation ou de gestion de valeurs mobilières.

En ce qui concerne la soulte, elle doit également se justifier par des raisons économiques. En conséquence, la société holding ne doit pas être une société à associé unique. Seuls des problèmes de rompus, voire un conflit entre associés, bref un rééquilibrage des pouvoirs entre associés semble justifier le paiement d’une soulte sans remise en cause du report d’imposition.

Et les questions que vous pouvez où que vous devez vous poser

1- Si ma holding réinvestit 3 ans après la cession mais moins de 50% du produit de la cession (par exemple 20%), suis-je pénalisé à titre personnel ? Au niveau de ma holding ?

Pour que les cessions des titres propriété de la holding n’entrainent pas, par anticipation, la caducité du report d’imposition vous concernant, la holding doit, si l’on s’en tient à aux arrêts du Conseil d’Etat du 3 février et 24 aout 2011, réinvestir au moins 40% du produit de la cession dans une activité économique dans un délai de 2 ans, si cette cession intervient dans un délai de 3 ans à compter de l’apport. Passé ce délai de 3 ans, votre holding n’a plus à respecter cette obligation. En fait, à ce niveau, la jurisprudence s’est de nouveau substitué au Code Général des Impôts, puisque le report d’imposition codifié par la loi de finances 2013 a été supprimé par celle de 2014 !

Cependant et pour rappel,  le report d’imposition est maintenu jusqu’au jour où vous cédez les titres de la holding.

Prenons un exemple pour illustrer le propos ci-dessus. Vous apportez les titres de votre société opérationnelle à une holding le 30 juin 2013. Si vous en cédez les titres le 20 juin 2016, vous devez impérativement en remployer 40% dans une activité économique avant le 20 juin 2018. Si vous cédez vos titres après le 30 juin 2016, cette obligation de réemployer 40% du produit de la cession devient caduque.

Au niveau de votre holding, aucune pénalisation n’est à signaler, le report d’imposition ne concernant que les personnes physiques.

2- Et si la holding cède les actions avant le délai de 3 ans sans remployer au moins 40% du produit de cession dans les conditions précisées ci-dessus, quelles sont les conséquences financières en pratique ?

Le report d’imposition dont vous bénéficiez sur la plus-value d’apport (différence entre la valeur d’apport à la holding et le prix de souscription ou d’acquisition des titres) peut être rendu caduc par l’Administration fiscale. Ladite plus-value serait alors soumise, dans le régime de droit commun,  à une imposition compris entre 64.50%  et 32.65%, dans certains régimes,  entre 64.50%  et 22.85% (cf. ci-dessus).

3- Et la caducité anticipée du report d’imposition peut-elle me mettre personnellement en difficulté financière ?

Oui, car vous seriez contraint à payer une imposition que vous ne pourriez financer par la rentrée de fonds résultant de la cession des titres de la société opérationnelle (ces derniers étant la propriété de votre holding). En d’autres termes, si vous ne disposez pas des fonds correspondants, vous n’auriez pas d’autre solution que de demander à votre holding de vous distribuer des dividendes, dont l’imposition maximale à titre personnel peut atteindre 54.20% (60% % x 64.50% de taux maximal d’imposition sur le revenu des personnes physiques (IRPP) +15.50% de CSG/RDS).  Mais alors, vous ruinez l’intérêt de l’apport-cession. 

4- Si ma holding doit réemployer au moins 40% du produit de la cession des titres de la société opérationnelle à une activité économique, les textes précisent-ils un délai minimum de détention ou d’exercice de cette activité économique ?

La jurisprudence ne précise pas la durée de détention des actifs en remploi du produit de la cession des titres portés par la holding. Pour éviter cependant que le report d’imposition ne soit pas remis en cause en cas d’acquisition suivie peu de temps après d’une cession, vous devez simplement démontrer que ces opérations répondent à des objectifs économiques (par exemple votre holding souscrit à l’augmentation d’une start-up X et 6 mois après, un VC ou un industriel vous propose de vous en racheter la totalité des titres). En d’autres termes, qu’il ne s’agisse pas d’un artifice destiné à vous permettre d’échapper à la fin du report d’imposition, bref à éluder les impositions sur la plus-value d’apport. Dans ce dernier cas, il serait mis à votre charge, outre lesdites impositions,  une amende égale à 80% de ces impositions pour abus de droit. Résumons. Pas de risque si l’opération est économiquement justifiée.

6- Pourquoi un taux d’imposition de 4% sur la plus-value de cession réalisée par la holding 2 ans après l’apport à cette dernière ?

La cession des titres de votre société opérationnelle par votre holding (soumise à l’IS) relève du régime des plus-values professionnelles. Si elle les cède plus de 2 ans après leur apport à ladite holding, la cession est exonérée d’IS. Cependant, votre holding doit rapporter à son résultat imposable 12% de la plus-value à titre forfaitaire. En résumé, le taux effectif d’imposition est de 33,1/3% x 12% = 4%.

7- Est-il vraiment nécessaire de constituer une holding pour faire du réinvestissement ? Ne peut-on pas bénéficier des mêmes conditions en personne physique ?

Tout dépend surtout (i) de la plus-value que la holding dégagera lors de la cession des titres apportés à cette dernière (ii) de votre politique d’investissement dans votre holding (iii) de votre horizon d’investissement du remploi du produit de cession.

Si vous anticipez une grosse plus-value, elle sera soumise à un taux effectif d’imposition de 4% (cf. question 6).   Directement en tant que personne physique, le même quantum de plus-value sera soumis au minimum à une imposition compris entre 22.85% et 64.50%. Accessoirement, l’apport-cession permet de différer l’imposition sur la plus-value réalisée au moment de l’apport à la holding au plus tard à la cession des titres de cette dernière.  Vous devez en conséquence respecter, le cas échéant,  les conditions de réemploi du produit de la cession, pour éviter que l’imposition, par anticipation, de la plus-value d’apport n’hypothèque, voire ne ruine l’intérêt de ce type d’opération (cf. ci-avant question 3).

En matière de politique d’investissement, votre holding doit  idéalement prendre des participations supérieures à 5% dans des sociétés et être représentée au conseil d’administration, à défaut au comité stratégique en vertu d’un pacte d’actionnaires. Ainsi au bout de 2 ans de détention, ces mêmes titres subissent une imposition de 4%. Ne pas respecter ces conditions pourrait conduire l’Administration à imposer les cessions non pas au taux effectif de 4% mais au taux de droit commun (33,1/3%).

Enfin,  l’horizon d’investissement, c’est-à-dire le moment ou vous dissoudrez ou revendrez votre holding. Certes, vous subirez à ce moment-là une taxation comprise entre 22.85% et 64.50%. Mais plus votre horizon d’investissement est lointain, plus l’effet de levier procuré par la rotation des investissements et le différentiel entre taux d’imposition personnel (entre 22.85%  et 64.50%) et professionnel (4%) est fort.

En revanche, si vous n’anticipez pas une grosse plus-value de cession (différence entre le prix de cession et celui d’acquisition ou de souscription), et que l’imposition correspondante vous oblige à arbitrer en défaveur d’autres projets auxquels vous tenez, alors la constitution d’une holding est discutable.  Dans ce cas, seule une étude bénéfices/couts vous permettra de trancher.

En dernière analyse, l’apport-cession serait totalement à proscrire si la holding anticipait une moins-value sur la cession des titres des sociétés opérationnelles.  En effet, la moins-value – professionnelle – dégagée par la holding ne pourrait pas être imputée sur la plus-value –personnelle – dégagée lors de l’apport de titres de votre société opérationnelle à votre holding.  En outre, si la  moins-value est réalisée 2 ans après l’apport des titres à la holding, elle est alors non-déductible des résultats imposables (en effet si la plus-value est non imposable, la moins-value est a contrario non déductible).

8- N’ai-je vraiment plus la possibilité de bénéficier du sursis d’imposition comme cela existait avant la réforme instituée par la loi de finances 2013 (exonération définitive en cas de cession 3 ans après l’apport)?

A la différence du report d’imposition qui a été supprimé par la loi de finances 2014, ce mécanisme reste d’application seulement si vous apportez vos titres à une holding que vous ne contrôlez pas. Mais attention, cela suppose que celui qui la contrôle n’agisse pas de concert avec vous. Si vous procédez ainsi, l’administration fiscale pourra vous reprocher d’avoir détourné la loi. En ce cas, vous paierez les impositions dues, majorées d’une amende de 80% pour abus de droit. Bref, encore une fois, pour que l’apport-cession bénéficie du sursis d’imposition, elle doit respecter l’esprit de la loi et donc être justifiée économiquement.

Pour aller plus loin

Le cabinet Jean-Claude Armand et Associés accompagne les entrepreneurs dans la mise en place d’apports-cessions.

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